Conduire le changement est une des grandes missions du management.
C’est toujours une tâche difficile, mais elle est dans certains contextes presque mission impossible : c’est le cas dans les organisations claniques qui ne recherchent pas l’efficacité ou la performance mais visent avant tout la continuité et la préservation du « clan ». Une clé de lecture éclairante pour certaines situations.
Le changement qui échoue
Les managers sont confrontés à cette problématique, avec plus ou moins de succès, car ils sont souvent obligés de constater que, le temps passant, les habitudes sont revenues, les anciennes routines sont appliquées, bref, l’organisation a repris ses droits, enterrant tous les efforts déployés.
On observe ainsi que des personnes qui avaient été écartées un moment sont revenues au pouvoir.
Comment expliquer ces retours à l’état antérieur ?
Les clans dans les entreprises
Une clé de lecture fort intéressante est celle que nous livre William, G. Ouchi dans son article « Markets, Bureaucracies and Clans », paru dans Administrative Science Quaterly, en Mars 80.
Dans cet article, William Ouchi décrit les deux grands modes de fonctionnement dans les organisations :
- Le premier par les règles renvoie au système bureaucratique, à des valeurs de hiérarchie, de stabilité, d’ordre,
- Le deuxième par les mécanismes de marché, se caractérise par des valeurs de performance, de production, de compétition.
Ouchi décrit un troisième mode, moins connu, moins reconnu surtout : le modèle par les mécanismes culturels ou modèle du « clan ».
Le fonctionnement d’un clan
Le fonctionnement clanique s’organise selon deux grands principes :
- Un socle de trois valeurs, la tradition, la loyauté et la solidarité qui orientent les comportements de ses membres.
- Un objectif commun et constant qui est la préservation et la perpétuation des intérêts du clan.
Les membres d’un clan vont développer les rejets de ce qu’ils considèrent comme étranger et, plus globalement de tout changement pouvant conduire à la déstabilisation des valeurs claniques.
Les mécanismes d’un clan sont les suivants :
- un système de contrôle fondé sur le « rite », avec comme but la conformité et la continuité,
- des contours de responsabilité pas précisément définis, les fiches de mission restent floues ou incomplètes,
- l’autorité donnée à des « chefs » sans critères objectifs,
- des règles tellement nombreuses et exigeantes qu’elles sont fréquemment contournées par des ajustements et des arrangements locaux,
- des responsabilités souvent virtuelles, sans budget, ni réelle prise de décision,
- la préférence donnée à la discussion avec une multiplication des structures et des lieux de débat (assemblées générales, commissions et conseils en tous genres) exigeant des temps de coordination et de synchronisation extrêmement importants, au détriment des projets eux-mêmes,
- des codes transmis oralement, la « culture » de ce qui se fait ou ne se fait pas est apprise sans lieux ou moments de transmissions officielles, en témoignent les errements des nouveaux entrants qui doivent aller « à la pèche aux infos ».
Dans ces conditions, les réformes ou les changements s’enlisent systématiquement, même si des amorces ou des frémissements peuvent se faire sentir, comme pour mieux faire illusion.
Virer les chefs de clans pour conduire le changement dans l’entreprise
Un adage est de « donner du temps au temps », pour laisser des sujets qui fâchent couler tout doucement dans l’oubli.
En conclusion, quand la cohésion des groupes et leur préservation priment sur les recherches d’efficacité, d’efficience et de résultats démontrables, les changements sont illusoires.
Seule une modification en profondeur des valeurs peut faire évoluer une organisation clanique, ce qui implique le départ des « chefs de clans ».
Difficile à entendre, mais cela aide à comprendre.