Egalité femmes hommes : on commence par laisser de l’espace aux femmes !

En un clin d'œil

Mesdames, avant de dire OUI au télétravail : réfléchissez bien !

Pourtant, c’est tellement tentant de pouvoir travailler à domicile et ainsi, de mieux concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle !

Un leurre ? Pas vraiment, mais une vraie vigilance à exercer car derrière la belle promesse, il peut se cacher pour les femmes de nombreuses dérives.

Pourquoi cette alerte ?

Elle est fondée sur de nombreuses études et recherches très sérieuses (Lecherbonnier, 2020 ; INSEE, 2020 ; Statistique Canada, 2020 ; Coconel/INED, 2020, Ctalyst, 2020…)  qui auscultent ce qui s’est passé pendant le confinement de 2020 et pendant les mois qui ont suivi, en matière d’égalité femmes-hommes.

Que nous disent-elles ?

C’est simple, on constate un véritable retour en arrière pour les femmes, d’autant plus important quand il y a charge de famille.

Quelques illustrations 

au domicile, les femmes sont moins bien installées que les hommes et n’ont pas de lieu dédié et isolé pour travailler. Pendant le confinement, 29 % des femmes cadres disposaient d’une pièce spécifiquement consacrée au travail, contre 47 % des hommes (Coconel, 2020),

c’est elles qui sont principalement en charge des enfants (école, devoir, organisation logistique …) et de la charge mentale qui va avec. Ainsi, 83 % des femmes vivant avec des enfants y ont consacré plus de 4 heures par jour contre 57 % des hommes (INSEE, 2020),

– leur incombe la plus grande part des tâches ménagères, et surtout le plus ingrates : étendre une lessive, vider le lave-vaisselle, passer l’aspirateur … autant de « pauses ménagères ».

En synthèse, à domicile, le travail passe derrière celui de leur mari ou compagnon, et est largement empiété par la vie de famille.

Les causes 

Le télétravail importe les questions d’égalité femmes-hommes à la maison, sans les cadres appropriés qu’on a eu tant de mal à imposer dans le cadre professionnel, laissant les femmes seules face aux inégalités,

le télétravail renforce l’invisibilisation des femmes, plus nombreuses à demander le télétravail que les hommes et disparaissant ainsi des locaux comme des réseaux des entreprises. On constate aussi qu’elles s’imposent moins dans les visio-conférences par exemple (Statistique Canada, 2020),

La flexibilité, tant recherchée par les entreprises, semble avoir été plus facilement adoptée par les femmes, avec le risque de désarticulation de leurs postes de travail et une perte d’identité professionnelle (Villame, 2022).

Une question d’espace ? Le manspreading

On parle de place sous toutes ces formes : les places dans l’entreprises, au sens des postes et surtout les postes qui comptent bien évidemment !

Mais je veux parler ici de la place au sens de l’espace ! et cela commence tout petits, dans la famille, à l’école, dans les transports en commun, dans les réunions …

En effet, de très nombreuses études montrent que la gent masculine, à tous les âges développe deux types d’attitudes qui ne laissent pas d’espace aux femmes.

Nos amis anglo-saxons ont su les désigner avec leur capacité de synthèse :

– il y a le manspreading qui décrit la propension des hommes à prendre tout l’espace physique. Ainsi, on observe que les cours de récréation sont largement occupées par les petits garçons qui se déplacent, courent, se lancent des balles ou des ballons alors que les petites filles sont condamnées à rester « autour », dans des espaces beaucoup plus restreints pour jouer à des jeux « calmes » comme la marelle, la poupée, ou simplement discuter ….

On retrouve la même attitude dans les transports en commun ou au cinéma quand les hommes s’emparent des accoudoirs, sans même se poser la question de leurs voisines.

Le manspreading structure donc un espace physique dès la plus tendre enfance, ce qui favorise la domination masculine.

– ensuite, il y a la préemption de l’espace de parole. Ainsi, on observe que la parole est plus facilement donnée dès les petites classes aux garçons, qu’on leur propose de parler de sujets plus valorisants, plus prospectifs. A l’âge adulte, en situation professionnelle, le manterrupting consiste, dans des réunions, à interrompre les femmes quand elles s’expriment et à se passer la parole entre hommes. Des vidéos circulent actuellement montrant même des hommes politiques en situation de pouvoir, coupant le micro de femmes élues lors d’une assemblée politique.

Plus les niveaux sont élevés, moins les femmes sont statistiquement nombreuses, ce qui accentue encore le phénomène.

Faire de la place aux femmes

Faire de la place n’est pas un vain mot ! Cela commence bien sûr par une prise de conscience car ces phénomènes sont tellement intériorisés et culturels qu’ils sont de véritables impensés.

Il faut donc que femmes et hommes réalisent ce qui se passent et cherchent bien sûr à prendre des actions correctrices.

Le ou la professeur(e) doit veiller à équilibrer ses sollicitations, la cour de récréation doit être mieux partagée, ce qui ne veut pas dire d’interdire aux garçons de jouer au football, mais d’inciter les filles à le faire, ou de restreindre le terrain de jeu pour laisser la même place aux petites filles.

Dans l’entreprise, le management doit être attentif au manterrupting et souligner les interruptions intempestives, en donnant des temps de parole et une attention équitable entre femmes et hommes. Des femmes responsables à la Maison Blanche avaient largement dénoncé le phénomène, et avaient mis en place des stratégies où elles se passaient systématiquement la parole, en reprenant les propos de leur prédécesseuse pour tenter de lutter contre cette colonisation masculine de l’espace verbal.

L’égalité réelle femmes-hommes, que nous appelons tous de nos vœux passe par ces gestes et ces actes qui peuvent paraitre banals et triviaux mais qui peuvent rapidement faire la différence !

Le risque des effets boomerang

En conclusion, comme le temps partiel, comme le congé parental, plébiscités par les femmes, le télétravail a des effets boomerang dont il faut prendre conscience, pour que la difficile (et non acquise) égalité femmes-hommes ne recule.

Il ne faut pas que le télétravail devienne une trappe à autonomie professionnelle pour les femmes.

Tout le monde est bien sûr concerné, les femmes, les hommes, les DRH, les dirigeants d’entreprise !