Il y a des phrases magiques en management qui semblent organiser un consensus et une adhésion immédiate autour d’elles : « Sortir de sa zone de confort » en est une. Ces formules sont en général précéder de « il faut ». « Il faut savoir sortir de sa zone de confort ». Mais pourquoi, comment et pour qui faut-il relever ce défi ?
Qu’est-ce qu’une zone de confort du point de vue du management ?
Je prends l’exemple du chant : sortir de sa zone de confort, c’est sortir de sa tessiture naturelle pour aller chercher d’autres notes plus difficiles mais qui permettent des interprétations plus riches et plus variées. En danse, c’est tenter des figures plus exigeantes physiquement pour aller plus loin dans la l’interprétation ou la compétition.
Si j’essaie de transposer ces exemples musicaux et artistiques au monde professionnel, il s’agit de sortir de la routine, c’est-à-dire de ce qu’on fait au quotidien sans se poser trop de questions sur le pourquoi et le comment. Il faut aussi que ce soit une routine qu’on aime. C’est le patineur qui glisse sur la glace avec les figures qu’il connait, c’est le nageur qui fait ses longueurs de piscine sans en augmenter le nombre, c’est le professionnel qui effectue des tâches qui ne lui demandent pas de se remettre en cause, et qui lui conviennent parfaitement.
Sortir de sa zone de confort, c’est se mettre en danger
C’est en termes de rapport de pouvoir que cela me semble intéressant d’analyser cette injonction.
« Sortir de sa zone de confort » nous met en déséquilibre et nous sort de nos certitudes et de notre position d’expert. Le meilleur exemple est celui du professeur de mathématiques (au hasard !) qui, d’années en années, enseigne les mêmes programmes à des élèves qui eux, se renouvellent chaque rentrée. Que se passe-t-il ? L’enseignant entre dans une « zone de confort » puisqu’il va maîtriser de mieux en mieux les connaissances qu’il transfère et créer le fossé avec ses élèves qui, par définition, sont toujours aussi novices dans la matière. C’est ainsi qu’il va exprimer l’idée que « le niveau baisse », ou que les « élèves sont de plus en plus mauvais », alors qu’il n’en est rien. C’est son expertise qui grandit sans qu’il s’en rende compte, et il ne comprend plus que ses élèves ne comprennent pas.
Sortir de la zone de confort consistera à se mettre en situation d’apprentissage. Le plus évident peut être d’enseigner les mathématiques à des publics plus experts et plus exigeants. Mais on peut aussi conseiller à notre professeur de mathématiques d’aller à un cours de rock and roll, ou de chant par exemple pour réapprendre à apprendre, et comprendre qu’on ne comprend pas.
Sortir de sa zone de confort, c’est aller vers les autres
La difficulté quand on sort de sa zone de confort, c’est de se mettre dans une zone de risque, en danger face à soi-même et face au jugement des autres. Mais c’est surtout perdre du pouvoir sur l’autre.
En « baver » sur un enchainement de danse ou dans la lecture d’une partition mettra notre professeur de mathématiques dans ce déséquilibre nécessaire pour aller vers ses élèves.
Le véritable enjeu de « sortir de sa zone de confort » est de respecter ceux qui sont en difficulté.
Sortir de sa zone de confort est donc un nécessaire défi, si ce n’est pas pour moi, c’est pour mieux respecter les autres.
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