La fierté de manager, la fierté d’entreprendre

En un clin d'œil

Réfléchir à la Fierté, c’est constater que c’est un sentiment, assez mal compris et finalement assez peu partagé en France, patrie de l’auto critique et de l’auto flagellation.

Pourquoi être fier ? et être fier de quoi ? de qui ?

Pourquoi débattre de la Fierté ?

A Paris, des milliers de personnes venant des quatre coins du monde se croisent tous les jours sur l’esplanade du Trocadero, et, rappelons-le, marchent sur des dalles où sont gravés les premiers articles de la Déclaration des Droits de l’homme.

Le premier étant : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir envers les autres dans un esprit de fraternité »

Or, je connaissais bien le tailleur de pierres, maintenant décédé, qui a gravé ces mots. Tailleur de pierre de père en fils, il m’a toujours dit sa fierté de faire ce métier, et il avait été tout particulièrement fier d’avoir été choisi pour graver ces mots initiateur des droits de l’homme au Trocadéro.

Il ne gagnait pas très bien sa vie mais il était fier de son métier, fier de ses œuvres, fier de laisser une trace aux yeux de tous de son art.

Je me suis alors posée la question.  Sommes-nous tous ainsi fiers de ce que nous faisons, fiers de ce que nous sommes ?

Qu’est-ce que la fierté ?

L’étymologie nous donne trois pistes intéressantes à explorer :

  • La première est l’origine latine du verbe fidere qui a permis de décliner tous les mots français autour de la confiance : se fier à, se confier,
  • La deuxième est le détour anglais par l’anglais : en effet, le mot pride (confiance en anglais) vient du vieux français preux, synonyme de courageux. Il me semble que cette alliance de la confiance et du courage renvoie bien aux bonnes pratiques du management. Elle est une excellente raison de revendiquer la fierté d’être manager ou entrepreneur.
  • Or, il existe une troisième origine : le mot latin ferus qui signifie « farouche », « sauvage », et qui renvoie à une face plus obscure de la fierté, quand elle décrit une personne réservée, peu accessible, voire même susceptible, et attestant d’une haute opinion de sa valeur.

Cette fierté-là confine à l’orgueil. Si la fierté est un sentiment noble qui permet d’avancer avec assurance dans la vie, sans avoir à se mesurer aux autres, ni à les rabaisser, l’orgueil exprime « le mépris de tout, sauf de soi-même », selon le philosophe Théophraste.

Ce lien avec l’orgueil explique certainement cette méfiance pour la fierté que nous avons dans le contexte culturel français. L’orgueil est en effet, dans la religion catholique, un péché capital, puisqu’il exprime du mépris pour les autres, et par là-même pour la création divine et pour Dieu.

La culture judéo-chrétienne prône plutôt l’humilité et son expression directe qu’est la modestie. Or, l’humilité qui est la  qualité de se voir de façon réaliste, ne s’oppose pas à la fierté. Au contraire, une personne peut être fière de ce qu’elle a fait, parce qu’elle possède suffisamment d’humilité pour évaluer les efforts qu’elle a dû fournir pour y arriver.

Soyons donc fiers, loin de tout orgueil.

De quoi pouvons-nous être fiers ?

Nous pouvons avoir quatre motifs de fierté :

  • Être fiers de ce que nous sommes, même si nous n’y sommes pas toujours pour grand-chose quand il s’agit d’être fier d’être Français,
  • Être fiers de ce que d’autre font pour nous, en tant que communauté : ainsi nous pouvons être fiers de nos champions sportifs même si nous ne sommes pas sur le tatami ou dans le bassin olympique avec eux,
  • Être fiers de ce que nous faisons indirectement, fiers de nos enfants, fiers de nos collaborateurs, comme des salariés peuvent être fiers de leur entreprise,
  • Et enfin, être fiers de ce que nous réalisons, d’autant plus fiers qu’il y a des difficultés, des défis à relever. La fierté renvoie alors au mérite. C’est là où s’exprime véritablement la fierté : celle qui est lié au mérite, mérite d’avoir réussi, d’être devenu ce que nous sommes, d’avoir contribué à des succès partagé.

Être fier de ses échecs

C’est une formule assez contre-intuitive, surtout En effet, le parcours de toute vie, est semé de réussites mais aussi, bien souvent, d’échecs. Or, le rapport à l’échec en France est complexe. En effet, l’échec est souvent assimilé à la faute. Rappelons-nous : dès notre plus tendre enfance, on ne nous corrige pas des erreurs d’orthographe mais des « fautes » d’orthographe … Au square, les parents américains poussent leurs enfants à grimper aux structures de jeux, les parents français menacent les leurs de la chute … Cela crée indéniablement des repères pérennes.

Dans d’autres cultures, particulièrement aux USA, l’échec est vu comme une façon d’apprendre. Un entrepreneur a raconté que, lors de son premier voyage d’affaires aux USA, ces interlocuteurs lui ont demandé combien de fois il s’était « planté », et que sa réponse « zéro fois » le rendait suspect aux yeux de ses interlocuteurs.

Les témoignages sont nombreux, de managers comme de politiques, du sentiment de honte ou de l’humiliation vécus lors d’échecs. Ils ont aussi raconté le regard posé sur eux, par leur entourage ou leurs pairs qui les « jugeaient » comme des perdants ou des incapables, au lieu de voir dans cet échec, le projet, l’envie de faire, et toute l’énergie et l’intelligence mobilisées.

Il y a vraiment, en France, un travail à faire, individuel et collectif sur cette notion d’échec. Nous devons considérer qu’échouer est un socle d’apprentissage extraordinaire. Au lieu d’essayer d’oublier ou de camoufler l’échec, il faut être fier d’avoir tenté, d’avoir relevé le défi qui a été à son origine. Il faut apprendre à apprendre de ses échecs et de ses erreurs, pour ne pas les renouveler, ou pour redémarrer dans des conditions plus favorables.

Les Ecoles de Management ont un rôle essentiel dans ce rapport à l’échec. Des enseignements sur la faillite d’entreprise, sur la gestion de crise, sur la façon dont on mène des fermetures de site … doivent être aussi naturels que ceux qui promeuvent des projets vertueux. Des témoignages de chefs d’entreprise sont aussi à privilégier. Il n’est plus possible de camoufler ce qui, il y a peu encore, était une honte.

On n’est pas un perdant quand on a dû mettre fin à une aventure managériale ou entrepreneuriale. Le savoir-faire du diagnostic lucide contribue aussi à cette construction d’une posture positive.

C’est aussi une culture à apporter sur l’apprentissage par l’erreur. La capacité à la prise de risque est indissociable d’autres apprentissages du management, et, comme beaucoup, elle n’est pas innée mais s’éduque.

Du sentiment individuel à la fierté du collectif

Un des défis du manager est de diffuser ce sentiment de fierté à toutes les personnes avec qui il travaille, de passer de l’individuel au collectif. La fierté rejoint alors la notion d’appartenance à un groupe, que connaissent bien les sportifs. Il faut alors promouvoir le collectif, mais le faire dans le respect de chacune des personnes qui le constituent.

Cette fierté de collaborer à une entreprise est intimement lié au bien-être au travail, et constitue une des conditions de la performance.

D’autres ressorts de l’entreprise comme la créativité et l’innovation sont en lien avec la fierté, dans le sens où se crée un cercle vertueux. En effet, la fierté, par la confiance en soi qu’elle autorise, facilite le chemin de la réussite, et la réussite donne un sentiment de fierté, fierté d’avoir passé les obstacles, fierté du travail bien fait. Le contexte est alors beaucoup plus porteur pour créer et innover.

L’essence du management est de donner du sens aux missions de personnes pour collaborer ensemble à la réussite de projets communs. La fierté constitue un ciment indispensable de l’acte managérial.

Fier d’être manager, fier d’être entrepreneur

Toutes les raisons sont réunies pour être fier d’être manager, fier d’être entrepreneur, et, ce, de façon complètement légitime.

Les défis relevés, les difficultés affrontées sont autant de raisons qui façonnent au quotidien le mérite de la réussite de l’entrepreneur comme du manager. Ses échecs et ses erreurs, s’il les admet et en fait quelque chose pour progresser encore, participent de ce même mérite. Il y a tout lieu pour les entrepreneurs et les manageurs français d’être fiers, fiers de leurs réalisations, fiers de leurs entreprises, fiers de leurs collaborateurs.

A leur façon, ils gravent les mots de la liberté et de la dignité au fronton de leurs entreprises, en écho à ceux qui le sont sur le parvis du Trocadéro.