Alléger le poids des apparences dans le monde du travail

En un clin d'œil

La question des apparences est majeure, se retrouve partout, et nous poursuit, où que l’on soit et quoique l’on fasse. Il faut la prendre en compte pour construire un management responsable et un leadership inclusif.

L’apparence physique est le troisième critère de discrimination dans le ressenti des salariés selon le 13ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi (décembre 2020) du Défenseur des Droits.

La perception de l’apparence physique au travail

On peut organiser l’apparence physique en deux grandes catégories : l’apparence subie et l’apparence choisie.

L’apparence dite « subie » :

Elle regroupe la couleur de peau, la couleur des cheveux, des imperfections ou des traits saillants dues à une maladie génétique ou un handicap, la taille entrent dans cette catégorie. En effet, on ne choisit pas d’être noir ou blanc, petit ou grand, nain, dépourvu d’un membre, avec  une transpiration excessive, ou encore d’être « laid » ou « disgracieux », roux ou … chauve.

L’apparence « choisie »

Elle renvoie, elle, à des caractéristiques que la personne a délibérément modifiées ou provoquées. C’est le cas de tout ce qui renvoie au « corps travaillé » : les tatouages, les piercings, le maquillage, la coiffure (avoir une crête d’Iroquois vert pomme), on met aussi dans cette catégorie le poids (surtout le surpoids), la façon de bouger ou de s’habiller.

Les mécanismes à l’œuvre dans la perception de l’apparence physique

Ce sont des mécanismes universels même s’ils s’expriment différemment selon le contexte culturel

Les préjugés

Un préjugé, c’est juger une personne ou un groupe de personnes sans les connaitre, sur la base d’informations non vérifiées, incomplètes… et moins on connait, plus les préjugés comblent les trous de cette connaissance insuffisante. C’est comme cela que nous pouvons penser, ou affirmer que « les Italiens sont des dragueurs », « les roux sentent mauvais », « les blondes sont idiotes », « une personne aux mains moites est une angoissée », « un gros est sympa », « un tatoué est un marginal » …

Il faut donc, et le plus tôt possible, en prendre conscience pour mieux les déconstruire et accepter les autres (comme soi-même) dans leur plus grande diversité et dans leur authenticité.

L’attractivité

Si l’appréciation sur l’apparence physique est très liée au regard de chacun, il existe des convergences sur ce qu’on peut nommer « l’attractivité » qui se caractérise par un large consensus sur une apparence donnée. Ainsi, de façon quasi universelle, est jugé attractif un visage symétrique, prototypique du genre sexuel, avec des traits moyens sans « points saillants ».

Les études montrent que les personnes attractives sont considérées comme plus sociables, plus indépendantes, plus agréables, plus sincères, moins timides, moins névrosées … mais aussi plus intelligentes, plus compétentes, plus qualifiées, plus convaincantes. Décidément, ce qui est beau est bon.

A l’inverse, la beauté peut être considérée comme un handicap pour les femmes attractives dans le cadre d’emploi traditionnellement associés aux hommes dans lesquels l’apparence ne compte pas.

L’autocensure

Devant de tels consensus (non-dits), chacun se met en position d’auto censure et ne va plus chercher à se créer des possibles. Ainsi, les personnes se jugeant en surpoids ne vont pas aller vers des métiers de relation, ceux et celles qui se jugent disgracieux vont se refreiner dans leurs ambitions professionnelles, les tatouages vont être camouflés et les piercings enlevés pour aller à un rendez-vous d’entretien. Les handicapés s’assignent des métiers en fonction de leur handicap.

L’apparence physique dans la vie professionnelle

Les moments de la vie professionnelle où l’apparence physique a le plus de poids

Ce sont tous les moments présentiels qui sont les plus névralgiques : le recrutement, la promotion professionnelle sont de ceux-là, mais la vie au travail est concernée au quotidien.

Si on reprend le cas de l’entretien de recrutement, on observe des choses souvent très étonnantes. Le recruteur, surtout s’il est mal formé, va s’arrêter à l’apparence : c’est ainsi qu’il ou elle va préférer le candidat qui lui ressemble. Un banquier va trouver plus crédible son interlocuteur s’il est en costume cravate ou tailleur.

La promotion, ou tous les moments de négociations, sont également des moments critiques où la confiance en soi est essentielle et où l’auto censure est assassine. On observe que les hommes n’ayant pas une allure virile, les personnes en surpoids sont systématiquement écartées des promotions pour, réciproquement  « manque de virilité » ou «  déficit de maîtrise de soi ».

Un poids plus important dans les métiers de contact 

Il est clair que l’apparence physique a beaucoup plus d’importance dans les métiers de relation. Les métiers de vendeurs ou de contact client sont particulièrement exposés. Avec des critères étonnants : il faudrait ressembler à son client (être jeune pour vendre à des jeunes) ou bien à son produit pour être plus crédible (être une belle jeune femme pour vendre des produits de luxe ou d’allure antillaise pour vendre des fruits exotiques).

Des entreprises (cas d’une banque suisse) ont fait le choix de donner des consignes à leurs salariés concernant leur façon de se coiffer, de s’habiller, de se maquiller, de porter des bijoux. On peut être étonné même si on constate que des salariés au contact de clients ont besoin de prendre conscience de l’enjeu d’une tenue correcte et de leur hygiène corporelle. Notons que les femmes sont particulièrement interpellées sur les questions du vieillissement, et on voit des recours de plus en plus fréquents à la chirurgie esthétique pour éviter de paraître trop vieux dans l’entreprise.

Quelles stratégies pour lutter contre la « tyrannie des apparences » ?

On en recense plusieurs, qui, toutes sont profondément ambivalentes :

Anticiper sur les attentes supposées : pas gagnant à tous les coups

Gommer tous points saillants, retirer ses piercings, cacher ses tatouages … relève cette stratégie, pas toujours gagnante : les attentes ont évoluées contrairement aux représentations figées dans le temps et il ne sera pas facile de montrer ce qui a été dissimulé.

Se relooker : un business florissant mais qui peut aider

Des officines toujours plus nombreuses offrent leurs services pour relooker les salariés en recherche de promotion ou tout simplement en quête d’embauche. Pour quelques entreprises (quelquefois bénévoles) qui cherchent sincèrement à donner confiance aux candidats, il y en a tant qui ont fait du manque de confiance en soi ou de la détresse humaine leur fonds de commerce.

Assumer qui on est quitte à déplaire : un emploi ou une formation, c’est du temps long

La dernière stratégie consiste à assumer qui on est et à s’aimer malgré les imperfections, grandes ou petites. Ce n’est pas simple, tellement pas que de grandes entreprises professionnelles du recrutement sont obligées de former leurs conseillers pour qu’ils déconstruisent leurs préjugés et sachent apprécier un candidat sur ses compétences réelles.

La confiance en soi s’acquiert, certains sont plus doués ou plus rapides que d’autres mais elle se travaille. Si la famille est bien sûr au premier rang, toute la chaine éducative joue un rôle essentiel et des programmes de développement personnel contribuent à cette construction sur le temps long.

Une vidéo qui synthétise en 3 minutes une étude que j’ai pilotée pour l’AFMD

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